Zoridae, sur son excellent blog "de la sexualité des araignées"
a réalisé une interview de Joan Aractingi, auteure aux éditions
Filaplomb. Avec son accord, je me permets de reproduire ici son article
:
Cette semaine j'ai emporté, pour l'un de mes trajets en métro, un petit livre des Editions Filaplomb.
Il était seize heures, je partais donner quelques heures de cours au
cœur de Paris, je me sentais un peu lasse, vaseuse encore, je n'étais
pas très enthousiaste à l'idée de travailler jusqu'au soir, tard.
Je ne m'attendais pas à pouffer dès la deuxième page de la nouvelle de Joan Aractingi Des hamsters et des hommes. En quelques mots je suis sortie du contexte métro-boulot-dodo pour atterrir dans
une histoire saugrenue, au rythme trépidant, toujours surprenante et de
plus en plus drôle. A la station Les Halles j'étais collée contre la
vitre, repliée autour de 22 pages de bonheur et je riais à gorge
déployée. Mes voisins me dévisageaient cependant que j'étais partagée
entre l'envie de lire plus vite, pour connaître la fin, le déroulement,
les tenants et les aboutissants et le besoin de savourer les mots avant
qu'ils ne se soient écoulés jusqu'au dernier.
Il me semble,
qu'en littérature, le talent comique est plutôt rare. Je n'ai
pratiquement aucun souvenir de lecture hilarante, que ce soit en
nouvelle ou en roman. Ce talent, Joan le possède, indubitablement.
J'en
ai été tellement bouleversée que j'ai eu envie de discuter avec elle.
Grâce à son éditeur, je l'ai contactée et j'ai appris qu'elle sévissait
également dans un blog sous le doux pseudonyme de Cochon Dingue. Nous avons échangé quelques mails, Joan a gentiment répondu à mes questions :
Comment es-tu venue à l'écriture ?
A
l'âge de 6 ans, j'établissais déjà des contrats écrits entre mon petit
frère et moi. Chaque soir avant de nous endormir, je lui racontais une
histoire et mon frère me donnait en échange une BD.
"Je
sous-signé Karl certifie avoir légué définitivement "Astérix aux jeux
Olympiques" à sa soeur si merveilleuse et resplendissante".
Il
scellait ce pacte en paraphant chaque contrat de son sang (enfin, au
bout de 3 jours nous sommes passés au stylo, c'était quand même plus
pratique et moins salissant). En l'espace de quelques mois, j'avais
acquis toute sa collection de bandes dessinées et mon imagination était
de plus en plus fertile. J'étais le Boris Vian junior de la
poésie, le Tolstoï en herbe des personnages. Je maniais les mots avec
une facilité absolue et déconcertante pour un enfant de mon âge. Mon
univers était riche, je déclinais les histoires de Toto à l'infini :
Toto chez le charcutier, Toto chez le boucher, Toto à la boulangerie...
Seulement
un soir, plus rien. Le vide. Pas l'ombre de l'esquisse d'une prémice de
commencement d'histoire. Mon frère manifestait son impatience en
labourant de ses pieds le lit superposé où j'étais perchée :
"Remboursez !!! Remboursez !!! Le contrat est caduc. Je reprends toutes
mes BD !"
— Ah non, ça ne se passe pas comme ça. Tu le saurais si tu avais lu la clause 26B paragraphe 112 alinéa 35.
— Mais j'ai pas encore appris à lire !
— C'est bien dommage pour toi !
Mais comme il me faisait de la peine, j'ai cherché d'autres idées, d'autres histoires et j'ai commencé ainsi à écrire.
Qu'écris-tu en ce moment ?
Je
m'inspire en général de ce que je vois autour de moi. Alors j'observe
les situations cocasses, les dialogues de sourds, les personnages
intéressants ou tendres.
J'écris beaucoup sur mon blog mes aventures en agences de pub.
Malheureusement il n'y a pas si longtemps, certains collègues
(légèrement susceptibles) sont tombés malencontreusement sur mes
articles qui parlaient d'eux et n'ont pas vraiment apprécié. J'ai
échappé de peu à un lynchage en place publique (c'est à dire devant la
machine à café).
Depuis je n'écris plus sur mes collègues, vu que je n'en ai plus...
Mais
le chômage a du bon. Maintenant j'ai du temps, beaucoup de temps. J'ai
même envisagé d'écrire un remake de "Guerre et Paix" version 21eme
siècle. Ça va m'occuper un certain moment.
Qu'as-tu contre les hamsters et les cochons d'Inde ?
Moi
je n'ai rien contre eux, c'est eux qui ont une dent contre moi. J'avais
acheté 2 mâles tout mignons. Ils s'amusaient bien ensemble, ils se
montaient dessus. Je trouvais cela étrange mais je supposais que
c'était une question de hiérarchie sociale,
le dominant se mettait au-dessus du dominé. Mais en fait pas du tout.
Au bout de 3 semaines, il y avait 8 hamsters dans la cage et au bout de
2 mois, ils étaient 16. C'est très vite exponentiel, on n'en finit pas.
J'aurais pu ouvrir une animalerie à ce rythme. Ma nouvelle Des Hamsters et des hommes est donc très inspirée de la réalité.
Es-tu aussi drôle en vrai ?
Non
et c'est bien le drame. J'ai la réplique lente, très lente, genre 3
jours après. Je fais des exercices parfois devant la glace pour
m'entraîner à trouver le bon mot, la phrase si bien tournée qu'elle
déclenchera l'hilarité générale. Je me regarde dans le miroir, je me
concentre, et là je sors :
— Oh putain, j'ai quand même vachement de points noirs ! Et c'est quoi ce petit bouton sur le nez ? Bon je vais me faire un masque de beauté aux épinards."
Comment as-tu découvert les Editions Filaplomb ?
C'est
Filaplomb qui m'a découverte par mon blog. Il m'a demandé si ça
m'intéressait d'écrire une nouvelle qu'il pourrait publier si elle lui
convenait. Et donc 126 versions après, je lui ai envoyé mon texte
définitif (je lui aussi envoyé mes 125 premières versions pour qu'il
choisisse mais je ne suis pas persuadée qu'il les ait toutes lues).
As-tu lu d'autres nouvelles chez lui ?
Je
les ai toutes lues et toutes aimées ! J'ai un petit faible pour
"Sujitha" de Claudine Tissier et "Le Chasseur de légendes" de Madame de
K qui m'ont vraiment transportée ailleurs.
Quels sont tes projets d'écrivain ?
Les envies ne manquent pas. Nouvelles, romans...
Mais
j'ai aussi plein d'autres projets en suspens (arriver à faire le grand
écart, me remettre à dessiner et à peindre, illustrer des livres pour
enfants) alors je vais essayer de ne pas me disperser et mener mes
projets jusqu'au bout.
Un extrait :
Finir en fait divers avait quelque chose de franchement glauque.»
Pour conclure un petit mot de Filaplomb :
"Comme je le disais et comme le raconte Joan, dans la préparation de la maison d'édition, je cherchais des auteurs.